vendredi 15 juillet 2016

nos aventures vers TALLIN








 1-TALLIN, capitale de l'Estonie, est un gros bourg médiéval et hanséatique, classé au patrimoine mondial, avec ses maisons et tours à toits rouges, son ambre... C'est aussi les départs et arrivées  d'immenses ferries qui desservent les ports de la mer baltique, principalement Helsinki à 60 kilomètres par bateau et Stockholm à une nuit de bateau.
Alors pourquoi aller à vélo de Bretagne à Tallin ? Aller à Jérusalem pouvait se comprendre ou être un début de réponse au "Pourquoi aller à Jérusalem", d'autres l'avaient fait auparavant avec des buts divers.   Revenir de Jérusalem en partant d'Athènes était pour moi tenir ma propre parole.

Franchement, dans le genre absurde et inutile, la destination de Tallin relève du bouquet ou du comble ! Ils sont peu nombreux ceux qui savent situer cette capitale et ce pays sur une carte, un peu plus ceux qui peuvent citer au moins un des trois pays baltes, quant à les mettre dans l'ordre avec chacun sa capitale...Et ne parlons pas de "Kaliningrad", enclave russe totalement inconnue et qui les côtoie : on en fera le tour à vélo, car sa traversée nécessitait l'établissement de visas. C'est tentant de dire : "On s'y perd avec ces questions de géographie, retournons donc à notre quotidien".

Hé bien, non ! Alors pourquoi aller à Tallin ? Je vais tout de suite vous rassurer, c'est bien sûr pour l'absurdité et l'inutilité ! Au-delà cependant, c'est un projet qu'on a mis en oeuvre, Alain et moi, qui avons quitté notre quotidien, à la recherche de petits bonheurs ou des pépites quand le vent (et il y en a sur les bords de la Baltique), la pluie, les orages, les camions et , parfois, les gens,  vous ont contrarié toute la journée : des chants d'enfants qui accompagnent votre dîner ou un coucher de soleil dans un paysage plein de sérénité, le plaisir d'avoir atteint le but fixé; c'est une manière de se surpasser, sans en faire nullement un challenge, c'est découvrir des pays nouveaux qui se remuent comme la Pologne, c'est commencer chaque matin une nouvelle journée en ouvrant une pochette surprise, c'est tout simplement découvrir le monde et ses habitants, c'est l'aventure au quotidien au moyen de ses seuls moyens physiques, c'est un peu tout cela et encore plus, c'est avoir des souvenirs plutôt que des regrets, c'est mettre du romantisme dans notre vie... Et il y a encore plein d'autres motifs, mais c'est difficile à exprimer, car ils ne sont pas "objectifs": nous n'avions aucune raison objective particulière pour nous rendre à Tallin.

Nous avons été fous, c'est sûr; de mon côté, je n'avais fait que trois sorties à vélo pour me préparer : 40, 60 et 90 kilomètres sans m'arrêter. Je courais chaque semaine 1h1/4. Je maintiens donc qu'il est possible à tout un chacun, s'il est en bonne santé, de décrocher son vélo et de partir ainsi sur les routes, d'autant que l'effort, le froid, la pluie et le vent nous maintiennent en bonne santé.

Dans l'ex- Allemagne de l'Est des affiches nous ont interpellés et répondent par des questions à la question ci-dessus, pourquoi aller à Tallin ? :  "WHAT'S YOUR NEXT MOVE ? you decide"  : c'était donc Tallin et "WILL YOU GO YOUR OWN WAY ? you decide" : je donnerai le chemin parcouru juste après. Les affiches, c'était, je crois, pour réveiller ce pays, pour l'amener à se bouger...




nos aventures vers Tallin





Avant de rentrer dans le sujet qui nous intéresse, je voudrais cependant faire deux ou trois remarques préalables :
- j'avais des ambitions bien plus vastes avant le départ : je voulais aussi faire le retour par le sud de la Suède, le Danemark, l'Allemagne du Nord et retrouver le chemin de l'aller. Ces ambitions ont été progressivement rognées par le chemin, la pluie et le vent et parce que je m'étais bêtement trompé sur les distances à parcourir, ne serait-ce que pour l'aller simple que j'avais estimé à 2400 kilomètres : il a fallu rajouter 1000 de plus ! En fait, ce fut notre parcours du retour, bouclé en voiture en moins de 24 heures !
- les villes et les routes changent de dimension, surtout dans les pays en plein développement économique et qui ne disposent pas, comme la France, d'un réseau routier très diversifié. J'exclue de cette réflexion la Hollande, l'Allemagne et la Belgique où il sera toujours agréable de s'y promener à vélo, parce que les gens de ces pays ont cela dans leurs gènes. Dans les autres pays que nous avons traversés, les petites villes sont devenues grandes, les petites routes se sont élargies et les grandes routes ressemblent à des autoroutes, fréquentées par de nombreuses voitures et autant de camions! Je crois qu'il sera de plus en plus difficile d'effectuer un voyage tel que celui que nous venons de faire, sauf à emprunter les quelques chemins balisés pour les vélos tels que les "eurovélos", exigeant des distances plus longues pour éviter les inconvénients cités, mais, sans doute, plus jolis et plus touristiques.
- la technologie de l'information change les comportements : le téléphone avec internet incorporé, les capteurs solaires sur le porte-bagages arrière ( nous avons rencontré un cycliste ainsi équipé) qui le chargent permet un meilleur guidage pour sortir ou entrer dans une ville, pour trouver un logement, une station service pour se restaurer. Cette technologie vient compenser les cartes papier classiques (bien que parfois...! elles soient bien utiles), mais surtout la méconnaissance par les locaux des lieux où ils habitent; pourquoi d'ailleurs "savoir", puisque le téléphone peut leur donner le renseignement.

Ceci dit, mes ambitions étant rognées, cette aventure fut complètement différente des deux précédentes, car cette fois, nous partions à deux et avec deux vélos différents. Je ne connaissais pas vraiment mon camarade d'équipée, sauf pour l'avoir rencontré et un peu côtoyé en d'autres lieux où on parle plus d'économie que de vélo : j'ai alors apprécié sa détermination, son courage, sa confiance en l'avenir, sa vision du monde et bien d'autres qualités qui pouvaient se cacher derrière cette forte personnalité et qui nous ont bien servi pendant l'aventure pour avancer. Mais de là à le vivre au quotidien et parfois dans une certaine intimité, toute relative par ailleurs, on devait faire un grand pas chacun... Cela s'est fait naturellement : la volonté d'aboutir, la bonne volonté tout court, une certaine complémentarité qui est devenue rapidement une complémentarité certaine, l'humour sur soi et autres caractéristiques ont fait que la mayonnaise a pris, que l'attelage a fonctionné, très bien fonctionné. C'était cependant un risque non évalué au départ. 
Mon vélo est toujours le même : cette fois je ne l'ai pas fait parler comme dans mon livre ( le même titre que le blog), puisque j'avais un interlocuteur permanent à mes côtés. Alain, lui, roulait avec un vélo à assistance électrique originale : il roulait bien sûr plus vite que moi, surtout dans les côtes, et devait régulièrement m'attendre, lui laissant ainsi le loisir de répondre aux nombreuses sollicitations de ses amis.

J'aurais dû mettre à jour le blog régulièrement, mais je n'en ai eu que rarement la possibilité : ce long texte remplace ce manque. Pour le compléter, cher lecteur, vous pouvez aussi aller sur le blog d'Alain :
 http//: alainglonavelo-overblog

Voilà le décor posé le 13 Juin, jour de mon départ d'Irai dans l'Orne où je fêtais les soixante-dix ans d'un ami et où Alain m'avait rejoint la veille, arrivant, lui, du Morbihan à vélo, les pays traversés, quelques chiffres et les étapes du parcours 
- Belgique, Hollande, ex Allemagne de l'Ouest, ex- Allemagne de l'Est, Pologne, Lituanie, Lettonie et Estonie
- 3033 kilomètres pour moi, du 13 Juin au 8 Juillet, 23 jours pour la partie vélo, un jour de bus, une demi-journée en train et un peu de tourisme... 132 kilomètres par jour.
- Irai- Rouen, France, Auberge de jeunesse... et du voyageur
- Rouen - Eu/Le Tréport, France, AJ
- Eu - Boulogne, France, AJ
- Boulogne - Dixmude, Belgique, B and B
- Dixmude - Mechelen, Belgique, AJ
- Mechelen -Woert, Hollande, Hôtel
- Woert - Arnhem, Hollande, AJ
- Arnhem - Bad Bentheim, Allemagne, AJ
- Bad Bentheim - Rodinghausen, Hôtel (AJ fermée)
- Rodinghausen - Lauenburg, Allemagne, AJ
- Lauenburg - Lubeck, Allemagne, AJ
- Lubeck - Wismar, Allemagne, AJ
- Wismar - Greinswald, Allemagne, AJ
- Greimswald - Wiselka, Pologne, Habitant
- Wiselka - Mielo, Pologne, Habitant
- Mielo - Smoldzine, Pologne, Hostel
- Smoldzine - Gdynia/Gdansk, camping sauvage
- Gdansk - Orszyzs, Pologne, Hôtel, (train)
- Orszysz- Biskupiec, Pologne, Hostel
- Biskupiec - Suwalki, Pologne, Hôtel
- Suwalki - Kaunas, Lituanie, Hôtel
- Kaunas - Riga, Lettonie, Hôtel, (bus)
- Riga - Haademeeste, Estonie, Habitant
- Haademeeste - Rapla, Estonie, Hostel
- Rapla - Tallin, Estonie, Bateau
J'avais convaincu Alain que l'utilisation des auberges de jeunesse ... et du voyageur pouvaient convenir à des voyageurs comme nous, avec parfois ses inconvénients (dortoir) mais aussi ses avantages en matière de prix, de lit, de petit-déjeuner et, parfois, de repas du soir, notamment en Allemagne...à condition d'arriver bien avant 18 heures, ce qui n'était pas toujours notre cas. Une "Hostel" est un logement qui ressemble à une auberge de jeunesse avec aussi ses lits à étage en dortoir, sans en porter le nom, avec en sus un lit "fait" et des serviettes de toilette, mais un accueil limité au minimum, juste le temps d'enregistrer et de payer.

Dans ce qui va suivre, je ne vais pas faire un compte-rendu in extenso du voyage, mais je relate quelques moments "forts" et quelques anecdotes qui ont ponctué notre voyage.

nos aventures vers Tallin


- la côte de Rouen : notre première étape vers Rouen fut très agréable sur de petites routes en forêt. La sortie de cette ville fut plus sportive. Je ne connais pas la côte de Cadoudal, mais cette sortie doit lui ressembler : très dure, très très dure, longue au point de devoir m'arrêter plusieurs fois pour reprendre mon souffle malgré l'utilisation des capacités maximum du pédalier et du dérailleur (5 à 6 km/h). une mise en bouche.

- les crevaisons : elles furent nombreuses concernant le vélo d'Alain ; pour le mien, malgré deux chutes, je n'ai aucun incident à signaler. C'est dans la baie de Somme que tout à commencé sur la piste cyclable au moment des dévers en béton ou des petites dénivellations qui marquent les ponts et les nombreux trottoirs qu'il nous faudra emprunter lorsque la piste cyclable croise une route . Un jour, après une crevaison, après avoir changé successivement trois chambres à air neuves qui ne voulaient pas se laisser gonfler malgré l'énergie qu'y mettait Alain à le faire et croyant les avoir esquintées avec les cuillers, je vérifie finalement la provenance de celles-ci : malgré le nom d'une marque italienne connue, elles arrivaient de Chine et d'Indonésie et les trois avaient des valves défaillantes! Il a fallu progressivement qu'il s'équipe en "deutsch-qualität" pour arrêter cette mauvaise série. mais la procédure de démontage du pneu arrière était parfaitement au point. D'autres achats sont venus ponctuer également notre parcours, dont celui notamment et à bon escient, d'un sèche-cheveux, négocié avec l'hôtelier qui nous logeait, et qui a largement servi ...Pour sécher chaussures et chaussettes plus tard.

- le "capotage": c'est, dit-on, avec la pluie et le vent qu'on reconnaît et qu'on devient un vrai voyageur, celui qui sent le chien mouillé, qui ne trouve plus personne pour le renseigner, dont le téléphone refuse de fonctionner justement à ce moment-là, voyageur qu'on regarde avec un air très détaché car "il va tout nous mouiller", dont on évite les questions embarrassantes qu'il pose sous la pluie. Pourtant habitué à ce type de situations l'un et l'autre, nous n'avions pas encore eu l'idée de sortir nos "capes de pluie" : c'est à l'occasion d'un passage par bac d'une rivière et d'un début de forte pluie qu'on s'est vraiment décidé à les mettre. Moi, je traînais la mienne, offerte au Vietnam et super-bien emballée, depuis Athènes (en fait je n'osais pas la déballer, craignant bêtement de ne pouvoir bien la replier !) Et Alain n'avait pas encore essayé la sienne, plus légère. Sans exagérer, non seulement c'est un vrai régal de pédaler ainsi "encapoté" sous la pluie , mais on peut rouler sous la pluie : il n'y a que les pieds qui seront mouillés, pourvu qu'il n'y ait pas de camions ou un vent trop fort pour soulever nos jupes de nylon. Je ne sais comment nous décrire réellement : des allures de grenouilles ?, de pompier américain?, qu'importe, elles nous furent bien utiles tout au long de ce voyage "très arrosé": "Alors,on capote?"



- les chutes : rien de grave au fond sinon des bleus-jaunes au bas des côtes flottantes. Deux chutes chacun : ma première, croyant qu'Alain m'avait sifflé pour m'arrêter et voulant, malgré moi et mon vélo, monter sur un trottoir; et l'autre, parce qu'un de mes lacets avait bloqué la chaîne et c'est à l'arrêt que je suis tombé, seul moyen de m'en tirer pour me délacer.

- les ondulations géographiques du Boulonnais : on nous avait averti à Boulogne "Ne passez pas par Calais, c'est la jungle et on détrousse facilement un cycliste de votre genre, toujours porteur d'un peu de monnaie sur lui". Nous avons donc évité Calais en empruntant les petites routes du Boulonnais, oubliant les côtes successives et nombreuses que nous allions rencontrer inévitablement. Complètement épuisés et rencontrant des cyclistes, à l'entrée du plat pays, ceux-ci nous ont simplement dit qu'ils ne s'y aventuraient jamais, que c'était trop dur !on allait bien mériter bien la qualité du B and B de Dixmude.

- le vol du vélo par son propriétaire : au moment de quitter ce logement de qualité, Alain ne trouve plus les clés de ses anti-vols ; il vide, re-vide ses sacs, plutôt deux fois qu'une, les renverse : point de clés. il va donc falloir scier les câbles . Le tenancier du BandB lui prête un petite scie à métaux, pas très efficace : c'est avec ardeur que le propriétaire du vélo se met à l'oeuvre, comme un voleur non-performant. Il retrouvera bien sûr plus tard les clés perdues à un endroit inattendu ...pour Alain, pourtant très organisé

nos aventures vers Tallin


- l'arrivée à Bad Bentheim en Allemagne : c'est une petite ville avec une auberge de jeunesse à une distance qui correspondait à notre parcours, même si nos ambitions fussent auparavant bien plus grandes. Avant d'y parvenir, le téléphone d'Alain nous avait guidé sur de chemins non goudronnés et, finalement, sur un sentier où passe la frontière entre l'Allemagne et la Hollande. Un peu comme des contrebandiers, on passe cette ligne imaginaire. Il se met à pleuvoir de plus en plus fort et on roule pour les derniers kilomètres sous une pluie battante : on ne connaissait pas encore la "cape". Il fait de plus en plus sombre, il tombe des cordes et on suit les indications du téléphone, qui nous mène non pas à l'auberge de jeunesse... mais devant la gare de Bad Bentheim, comme il sait le faire automatiquement. Alain corrige l'adresse vaille que vaille sous un abri à vélo, on repart, on remonte vers la ville. Le téléphone devient de plus en plus sensible à l'humidité, indique par intermittence la direction, sans être très précis. On "tourne en rond" et il faut se résoudre à interroger les autochtones : un hôtelier du centre ville à qui s'adresse Alain, nous renvoie à "perpète". Après un premier tour dans de petites rue pavées, où mon attention avait vaguement été attirée par une enseigne déjà connue, au deuxième tour, le téléphone nous y renvoie malgré tout et on repasse donc devant cette enseigne une deuxième fois et, là, je m'arrête pour lui dire "c'est ici" , les termes de l'enseigne finissant par parler à mon cerveau détrempé : JHD , mais bien sûr mon cher Watson !, JugendHerbergeDeutschland. Malgré nos allures de chiens perdus et mouillés, nous sommes accueillis avec chaleur, sandwiches préparés pour nous malgré l'heure avancée (on a largement dépassé les 18 heures réglementaires) : la tempête continue, mais des chants d'enfants vont accompagner notre dîner ! le bonheur,quoi!

- le camping sauvage : le téléphone peut tout prévoir ...sauf l'imprévisible. Nous avions passé une belle journée ensoleillée qui devait se terminer par un petit voyage en bateau du bout de la presqu'île d'Hel jusque Gdansk - regardez sur la carte la longueur de cette presqu'île toute fine comme une grande virgule, laissant place, comme celle de Quiberon, à la route, au train, à la piste cyclable et aux campings. Elle est longue de 40 kilomètres et c'est beaucoup pour des cyclistes en fin de journée, surtout les derniers kilomètres en forêt et sur une piste quasiment impraticable pour nos vélos. Arrivés à Hel, le dernier bateau pour Gdansk est déjà parti et, de toutes façons, il était plein : les habitants de Gdansk viennent passer là une journée sur les plages. Il reste un bateau pour Gdynia à 19h : Gdynia et Gdansk devaient être séparées il y a quelques années, mais aujourd'hui en série  les ports de Gdynia, la ville, les chantiers de Gdansk et la ville de Gdansk forme une métropole urbaine d'au moins 50 kilomètres sans arrêt. Une bière d'attente, une deuxième bière, encore un orage et...en bateau jusque Gdynia : une petite heure de traversée agréable.
C'est le match "Pologne/je ne sais qui" et la Pologne vient d'inscrire le premier but (il s'avèrera plus tard qu'elle sera battue aux tirs aux buts), on hurle dans les rues, il est un peu plus de 20 heures. Nous nous mettons en quête d'un hôtel un peu à l'extérieur du centre ville. Le téléphone nous guide vers un hostel, complet : le propriétaire en sort pour faire un tour à vélo et nous annonce "qu'il y a des millions de gens" en ville à l'occasion d'un concert et qu'il n'y a aucune chambre de disponible, sauf, peut-être, les grands hôtels du centre ville. "Des millions", il exagère sans doute un peu, se dit-on. Retour au centre ville où trône un grand hôtel Mercure : Alain en sort dépité, car il n'y a pas de chambre libre et qu'il n'y en aurait même pas jusque Gdansk, lui a-t-on dit à l'accueil.
Il est maintenant 22 heures, tout le monde est rivé au petit écran, et nous sommes "à la rue". Il nous reste globalement trois solutions : la gare de Gdynia, s'il y en a une, trouver un camping sur la route de Gdansk encore à 30 kilomètres ou, et c'est la solution qu'on va retenir, planter la tente que je transporte depuis des centaines de kilomètres, discrètement dans un lieu public avec un peu de verdure. On finit par en  trouver un : il y a déjà une vieille caravane dans un coin. On en cherche un autre à l'abri des regards, de la rue et des immeubles qui l'entourent, à la lisière du rideau d'arbre et du semblant de pelouse.
Je n'ai pas perdu l'habitude de monter ma tente, mais il fait déjà nuit et je tâtonne un peu, Alain n'ayant pas l'expérience ad hoc, "on ne peut pas être bon partout"!, j'arrive à la monter avec son aide, on camoufle les vélos. J'ai mon sac de couchage qui me protègera du froid pendant la nuit, car on est encore échauffé de notre parcours urbain à vélo. Alain sera obligé de se lever pendant la nuit pour s'habiller plus chaudement. Dire qu'on aura dormi dans cet espace restreint, le dos à même le sol, écoutant les bruits de la ville et les cris d'une femme qui "engueule" quelqu'un juste à côté de nous, c'est beaucoup dire, mais au moins, on se sera reposé. 
Au petit matin, aucun chien, ni aucune bête ( à Nantes, les sangliers approchent du  centre ville par la rivière la Chézine) n'est venu renifler autour de notre tente et c'est ayant mal dormi et pas lavés qu'on démonte la tente et roulons vers le centre ville historique de Gdansk.

nos aventures vers Tallin




 - j'arrête le train : dans cette journée destinée au tourisme à Gdansk, on aura quand même fait cinquante kilomètres à vélo. En effet, on a décidé de sortir de Gdansk en train et faire étape à Orszyzs avec un motif avouable : la sortie d'une mégalopole : Gdansk est en effet la deuxième concentration urbaine de la Pologne. De Gdynia à Gdansk, c'est tout droit et le premier grand bâtiment qu'on rencontre, c'est la gare de Gdansk : elle est un peu au-delà de la grande route qui la longe et de la ligne de tramway, ce qui nous oblige à passer par des couloirs souterrains et surtout des escaliers pour l'atteindre. On finira en cours de journée par trouver l'ascenseur qui nous évitera de monter et descendre les escaliers avec nos vélos. Billets achetés pour un train à 16 heures, bagages casés, promenade à pied dans le centre ville avec nos vélos : on a du temps devant nous.
Le train est annoncé quai n°2 : on est en avance, on se renseigne sur quel côté du quai, un train arrive quelques minutes avant l'heure dite et il est bien indiqué notre direction sur le wagon 14 : on monte vélos et bagages dans l'étroit couloir (opération compliquée nécessitant beaucoup d'énergie), on les cadenasse et je me rends au compartiment indiqué sur le billet; le train part;  une dame me fait comprendre qu'elle est bien à sa place au numéro de la mienne indiqué sur mon billet : les autres passagers regardent ce dernier. Catastrophe! nous sommes dans un train qui "vient" de Orszyzs. Le train vient d'arriver dans la gare suivante, mais il redémarre déjà doucement, je me précipite à la porte qui se ferme, mais je rouvre de force... Ce qui a pour effet d'arrêter immédiatement le train; le contrôleur est dans le wagon qui suit : je lui crie qu'on s'est trompé, il siffle : on descend en panique les vélos et les bagages en les jetant sur le quai, sans en oublier un seul. Ce contrôleur retourne alors la pancarte de direction du wagon !!! Sympa.
Entretemps, le train a déjà fait plusieurs kilomètres depuis la gare centrale : retour à celle-ci à vélo, renégociation des billets avec l'aide du sourire d'Alain qui remonte ainsi la file d'attente pour un autre train à 19 heures.
Ce coup-ci, on est attentif : c'est le quai à droite qui va dans la bonne direction. Un train inter-cités est annoncé quelques minutes avant l'heure dite nous laissant le temps de rentrer nos vélos ( le quai et le train sont à même niveau) : on est serrés comme des sardines; un contrôleur arrive et sourcille en lisant notre billet, mais elle ne parle que le polonais. A nouveau, nous ne sommes pas dans le bon train et une bonne âme nous dit en anglais que nous devons descendre de ce train qui ne va pas à notre destination et prendre le suivant dans la prochaine gare,... mais il ne sait pas sur quel quai il va s'arrêter. Re-panique : le train qu'on doit prendre et qui suit celui où on est, arrive déjà en gare et nous devons sortir les vélos et les bagages, monter des escaliers, prendre un couloir et en descendre d'autres pour atteindre le quai d'en face : quelqu'un nous précède gentiment, nous aide à monter les vélos et va prévenir de notre arrivée. On a pensé aussi que le contrôleur avait peut-être déjà téléphoné au chef de gare pour lui annoncer notre arrivée et nos complications. On finit par tout installer dans ce dernier train, enfin s'asseoir et rouler jusque notre destination.
Autant vous dire que lorsqu'on prendra le bus à Kaunas pour nous rendre à Riga, nous vérifierons plutôt deux fois qu'une l'endroit où nous prendrons celui-ci et là, cette fois, on ne s'est pas trompés !...mais c'était plus simple sans l'ambigüité du quai.

- la collation du midi : au départ, on avait de bonnes intentions, pour rouler, il faut manger: un sac de patates ne tient debout que s'il est rempli, dixit la voix populaire. Mais au fil du temps, ce fut plus frugal et on n'avait pas l'intention de se mettre à table tous les midis. C'est donc généralement dans les entrées des supermarchés, des supérettes et, finalement, des épiceries qu'on déjeunait de sandwiches prêts ou préparés : si des chiens nous avaient accompagnés, on nous aurait certainement éloignés de tels endroits Mais cela ressemblait plus à l'ingestion de carburant qu'à de la grande cuisine, mais nous obligeait à une véritable pause, debout ou assis sur des paniers de courses. Certains repas du soir se sont ainsi déroulés, car arrivés trop tard.

 






- les arrêts chez l'habitant : à Bistupiec, on ne trouve pas immédiatement un endroit pour loger, mais on nous indique un hostel à quelques kilomètres plus loin. Alain a négocié un petit déjeuner avec un peu de mal car l'ambiance entre le propriétaire et sa fille est un peu tendue. Au petit matin, le petit déjeuner est bien servi, mais on sent que le propriétaire "fait encore la gueule"... Quand Alain glisse les billets de banque sur la table, le sourire lui revient soudain et il se sent obligé de nous souhaiter un au-revoir appuyé sans doute sincère, mais on se pose encore la question...
                                        la cabane : cette fois, nous profitons d'une petite route entre Riga et Parnu. C'est très calme, les maisons et les jardins sont très bien entretenus et les hôtels discrets. A un moment, sur la façade de ce qui pourrait ressembler à une mairie, le logo d'un lit nous suggère de nous arrêter : l'endroit est idyllique, il fait beau et la mer est à deux pas. Je me serais bien arrêté, mais Alain est déjà loin. Il commence à se faire tard et on commence à chercher un hôtel : la tête dans le guidon, Alain ne voit pas les entrées de deux hôtels, toujours aussi discrètes. On roule vers une petite ville, mais arrivés sur place, pas de petite ville, mais un simple groupement de maisons. Il y a bien un hôtel, mais il est fermé. On interpelle un jeune homme qui se renseigne et prend sa voiture pour aller voir à quatre kilomètres plus loin si l'hôtel suivant est ouvert. A son retour, on devine vite qu'il est, lui aussi fermé, mais il nous annonce qu'un de ses voisins loue des lits. Il nous y amène... et disparait, service rendu . Les propriétaires nous accueillent et nous montrent la cabane où se trouvent les lits. On l'appelle ainsi, parce qu'elle donne l'impression d'être posée en hauteur sur pilotis. Il n'y aura pas de repas du soir, mais il y aura des pâtisseries restantes et disponibles en compensation. Un cycliste est là qui, lui, sur la route, dort dans un hamac et dispose des fameux capteurs solaires sur son vélo. Le petit déjeuner du lendemain matin effacera le manque de calories de la veille : omelette, légumes dont l'inévitable concombre, et pâtisseries. Cette anecdote, c'était juste pour dire qu'au delà parfois des difficultés ou déconvenues, il y généralement un rayon de soleil inattendu qui vient remplir notre besace de souvenirs heureux.

 

les aventures vers Tallin


- le passage de l'Elbe : Sans doute une frontière naturelle : il y a sur ses bords de larges espaces inhabités, un peu comme les bords du Danube longeant l'ex-rideau de fer. C'est un large fleuve, calme ce soir sous un splendide coucher de soleil. Par contre, les rues de Lauenburg rappellent l'Allemagne de l'Est : les pavés sont grossiers, disjoints et mal arrondis, mais ils sont de plusieurs couleurs, ce qui leur donne un certain charme malgré tout. Il est impossible d'y rouler à vélo. L'auberge a depuis longtemps fermé son restaurant : nous retournons vers le port pour dîner dans un restaurant tenu par un français. Moment un peu divin, à l'ombre de la statue du "crieur", celui qui hélait les voyageurs qui étaient de l'autre côté du fleuve...lorsque le téléphone n'existait pas.
 

- mes "trouilles" :  - on roule sur une belle route, mais il y a quelques camions qui y circulent. Alain est loin devant. J'entends derrière moi le bruit d'un camion qui s'approche et qui, visiblement, a l'intention de me doubler, bien lancé dans une courbe descendante. Mais une voiture arrive en face, il s'en rend compte un peu tard. Un énorme bruit  de coup de frein juste dans mon dos, les pneus glissent sur le macadam et je sens immédiatement l'odeur de la gomme brûlée : j'appuie immédiatement et par réflexe sur les pédales pour m'éloigner de la zone dangereuse dans la mesure de mes possibilités ; je n'ai rien vu, mais entendu et senti!
                           - sortie de Suwalki : on prend la direction de Kaunas et je fais remarquer à Alain les séries de camions à la queue leu leu et qui vont dans la même direction que nous. La bande d'arrêt d'urgence est correcte au début, mais se rétrécit progressivement au point de quasiment disparaître par endroits, remplacée par une petite zone goudronnée avec un revêtement de peinture blanche bosselée qui secoue rudement le guidon et les bras et, au centre de la route, une zone peinte en rouge qui crée un bruit infernal quand les roues des camions passent dessus pour nous doubler. Alain est plus intrépide que moi, mais cette situation me rappelle de mauvais moments en Turquie. Cela ne dure pas et nous finissons par arriver à Kaunas, non sans avoir emprunté une camionnette pour nous mener vers une route plus calme. Jean Paul et Brigitte viennent à notre rencontre et nous confirment que les routes vers Riga présentent encore de tels passages : après réflexion, demain nous irons en bus jusqu'à Riga. Pendant le trajet, j'essaye de convaincre Alain de continuer en bus : à l'hôtel, l'hôtesse nous confirme qu'il y a une piste cyclable qui va de Riga à Parnu; elle "casse ma baraque" et je dois m'incliner; mais le lendemain, je n'ai pas vu de piste cyclable, mais c'est vrai qu'il y avait de la place pour les vélos sur la bande d'arrêt d'urgence.

- chemins non identifiés sur la route : Ah ce téléphone ! Et les routes qu'ils nous propose, tant pour les marcheurs que pour les voitures! Cette fois, c'est l'option marcheur qui nous guide. Après avoir regonflé pour le nième fois la roue arrière du vélo d'Alain avec le gonfleur d'un autochtone sollicité, on hésite à prendre un chemin non goudronné...peu avenant, au demeurant. J'interpelle une dame sur le pas de la porte d'une ferme délabrée et lui demande si nous sommes dans la bonne direction : elle me fait un signe de la main, sans parler, mais le geste indique clairement que c'est "tout droit" par ce chemin. Je ne saurai jamais si c'était sincère ou si elle voulait tout simplement se débarrasser de nous. C'est un chemin de charrette, quasiment impraticable, raviné, caillouteux, glissant, encombré de branches d'arbres tombées après le dernier et récent orage. Il fait froid et humide...mais , après plusieurs kilomètres, on finit par trouver une route "normale".

- sortie de Lubeck : Ce n'est pas une mégalopole et pourtant. Malgré l'aide du téléphone, nous avons roulé toute le matinée...pour nous retrouver à un carrefour où nous sommes passés la veille avant de rentrer dans la ville. Il nous faudra revenir sur nos pas : zones industrielles, passages souterrains avec escaliers pour traverser une grande route interdite aux vélos, chemin forestier, pour enfin déboucher sur une route qu'on allait prendre en direction de...Lubeck; heureusement , une joggeuse nous remettra dans la bonne direction. Le téléphone avait encore perdu la boussole.

- les autres cyclistes rencontrés : - arrivés au centre ville d'Arnhem, après avoir passé le fameux pont ("trop loin!") avec sa casemate historique et roulé sur une digue pendant plusieurs kilomètres. Faute d'adresse indiquée, le téléphone nous a guidé vers le centre du centre ville, comme il sait le faire. On interroge des passants avec la vraie adresse de l'auberge. Une jeune fille à vélo nous aperçoit et s'arrête : elle nous propose de nous accompagner vers l'auberge : elle habite là et connaît bien la ville visiblement. Elle arrive d'un petit voyage à vélo avant de reprendre le travail demain : elle a donc un bon coup de pédale, nettement meilleur que le mien, et seul Alain arrive vraiment à la suivre, car ça monte. 
                                                   - un couple d'allemands se rend à Moscou à vélo en suivant les bandes d'arrêt d'urgence des grandes routes par sécurité. On fait route ensemble pendant quelques dizaines de kilomètres.
                                                   - On rencontre  un russe, sans doute qualifié ainsi par nous par son habillement et son équipement, et tout son barda sur son vélo, un barda antique et volumineux, tels qu'on pouvait en utiliser il y a maintenant quelques années : on rigole en le voyant passer, ... lui aussi, mais il continue tranquillement son chemin. Un passage dans un magasin de sport lui aurait réduit les volumes de moitié.

aventures jusque Tallin

l'avant dernière journée à pédaler : nous avons quitté notre "cabane" et roulons vers Parnu, dernière grande ville avant Tallin, mais avec l'intention de l'éviter en la contournant et rejoindre Rapla. Ce contournement est un peu long et Rapla est encore loin. Vers midi, on s'arrête dans une épicerie pour acheter quelques pâtisseries, car il n'y a pas de sandwiches. On roule encore un peu. Dans le village suivant, on s'arrête sous un abribus pour déjeuner et déplions la carte routière. Il y a encore 70 kilomètres à faire ! Il commence à faire froid et le moral prend un coup. On hésite. On irait bien jusque Vändra à une vingtaine de kilomètres, prendre un logement et regarder le match France/Allemagne. Alain vérifie quand même s'il y a des logements dans cette zone, car sur la carte Vändra est inscrit en gras, mais bien moins épais que celui de Rapla. " Je voudrais la liste des hôtels à proximité" , le téléphone répond  "j'en ai trouvé 15 dans votre secteur"...mais , après vérification, ils sont tous situés dans la zone de Parnu, maintenant à 30 kilomètres derrière nous.
                                                       On reprend nos vélos, mais on reste en pleine réflexion. Comble de malchance, la route est maintenant en travaux sur une dizaine de kilomètres : il n'y a plus de macadam et on roule sur des cailloux. Il commence à pleuvoir et il fait froid.Ce passage avalé, à un carrefour, il faut choisir : Vändra avec un risque de ne rien trouver pour se loger mais proche, ou Rapla à 54 kilomètres et avec fort vent de face mais avec quasiment l'assurance de trouver un logement. On choisit la deuxième solution car il n'est que 13h30, on s'arrêtera tous les 10 kilomètres pour souffler.
                                                       Contre le vent, dans une zone humide quasi désertique, on pédale, on pédale. Les quelques villages intermédiaires n'offrent aucun logement : il nous faut donc atteindre notre but. Rapla est quasiment en vue, mais il se met réellement à pleuvoir et il nous faut "capoter". Bien sûr, dans Rapla, personne ne s'arrête pour nous renseigner. Je finis par distinguer un panneau avec un lit dessus. C'est un "hostel". Le match de football est à 21h30, compte tenu du décalage horaire.  On ne le regardera pas : trop tard.                                
 "ATTENTION AUX RENNES QUI PASSENT" : eh oui !ils ont remplacé les cerfs.